Courir. Plus vite, plus loin. S’échapper, enfin. Gagner du terrain sur ceux qui lui couraient après. Son cœur battaient si vite qu’elle n’entendait plus que lui. Ses pas ne faisaient plus aucun bruit, en comparaison ils étaient cette douce caresse sur la fine couche de neige qui fondait. La peur qui avait gagné son cœur il y avait déjà quelques heures refusait de se taire. Alors elle continuait de courir, pour que tout ce qui criait dans sa tête se taise. C’était vain. Ça ne fonctionnait pas. Pas le moins du monde. Mais quelle idée aussi de se disputer avec Cass’ juste avant que des chasseurs de Spiritems débarquent… Elle n’avait pas regardé derrière elle, elle les avait fixé, puis elle s’était mise à courir, il était derrière, non ? Sûrement, jamais il ne l’aurait laissée, hein ? D’un autre côté, jamais elle ne l’aurait laissé… Non ? Tout s’embrouillait dans sa tête ses derniers jours.

   Elle s’arrêta de courir lorsqu’elle sentit le vent fouetter son visage. La falaise. Endroit romantique par excellence, enfin, dans le présent en tout cas. Dans le passé, ce n’était pas ça. Et… Finalement, dans l’instant présent, ça n’avait rien de romantique non plus. Elle releva la tête, jeta un coup d’œil au trou béant qui donnait normalement une vue magnifique sur le ciel, le vrai, celui de la surface, mais elle n’y vit que de l’eau qui coulait. Étrange. N’est-ce pas ? Elle refusait de se retourner, elle refusait de faire face aux plus grandes craintes qui taraudaient son esprit actuellement. Et pourtant, n’était-ce pas son quotidien ? De se faire chasser, de combattre ? Alors pourquoi fuyait-elle ? Elle était incapable de le dire. Bien sûr, dans ce genre de situation, la boule de poils immatérielle qui la suivait sans cesse restait à ses pieds. Crack avait sans doute moins peur qu’elle, car lui avait le courage de faire face à ce danger, toutes dents sorties, grognant à qui voudrait l’entendre.

   Alors elle prit sur elle et fit l’effort de se retourner. Ce n’était pas après les chasseurs que l’animal en avait. Mais après Castiel. Un relent de la colère immense et irrationnelle qu’entretenait Eïleen ? Sans doute. D’ailleurs, cette rage prit la place de la peur, en un éclair. Tout aussi vite que Light fit place à Eïleen. La colère pour la chasseuse, la peur pour la douce humaine, finalement c’était entièrement logique. Jamais la tristesse ne vint frapper son âme. Rien que colère et peur entremêlée dans un cocktail dangereux, bien trop dangereux. Elle se redressa et, de toute sa hauteur magistrale, elle le toisa avec cet air creux qu’elle réservait à ses ennemis. Qu’est-ce qui avait été brisé ?

   N’y avait-il pas plus fort que le lien, justement ? Qui, pendant tout ce temps, les avait poussé à rester ensemble, à compter l’un sur l’autre, à ne jamais tricher ? Pourquoi maintenant. Pourquoi tout balancer et fuir. Elle n’arrivait pas à se comprendre. Mais ça ne la frappait toujours pas. Elle n’arrivait pas à se remettre en question, c’était trop puissant, ça embrouillait sa tête comme un poison indécelable. Elle recula d’un pas, la glace accroché au bord de la falaise se détacha dans un bruit sourd qui l’effraya et la fin légèrement avancer, heureusement, le terrain était dangereux, dangereux pour eux, mais aussi pour leurs poursuivants. C’était peut-être leur chance, c’était sans doute leur chance. Il fallait qu’elle enterre les dizaines de reproches qu’elle lui avait jeté à la figure en espérant qu’il en fasse de même, mais la plaie était béante et, encore bien loin de toute cicatrisation…

   La forêt était épaisse et se stoppait d’un coup sur la falaise. Ils avaient visiblement prit beaucoup d’avance sur leurs poursuivants, mais c’était une impasse avec beaucoup de chance, ceux qui les chassait feraient demi-tour, mais cela paraissait improbable. Il avait quelques minutes. Pour se cacher. Pour choisir leur destin. Pour tout perdre. Ou tout gagner… C’était à eux de choisir, et de le faire maintenant, c’était leur chance, de faire un pas en avant, un pas en arrière. La falaise promettait la mort, les chasseurs aussi, mais que promettait leur alliance ? Tout cela paraissait si beau, plein d’espoir, mais sans doute n’était-ce que le contraste avec tout le reste. Avec toute cette ambiance sans lumière.

   Light baissa les yeux. La culpabilité venait caresser sa conscience ? Non. Elle la simulait, elle en avait besoin. Pour se sentir encore un peu humaine…

      – J’aurais pas dû te dire tout ça. J’suis désolée.

   Elle aurait pu continuer, elle aurait pu demander ce qu’il prévoyait de faire, si c’était la fin, mais elle refusait d’y penser. Finalement, son esprit se braquer sur tellement d’autres choses… Elle voulait avancer, lui tendre la main, mais elle craignait trop de se recevoir une gifle. Si les mots blessaient, les gestes n’étaient pas innocents non plus. Nouvel éboulement, l’eau qui s’écoulait du haut et qu’eux nommaient parfois « pluie » fragilisait la fine corniche entre la forêt et le vide, la falaise. Quelques mètres d’une beauté sans nom, quelques mètres d’un danger sans visage… Elle ne voulait pas mourir, surtout pas, ça aurait voulu dire que durant tout ce temps, tous ces sacrifices auraient été vains, et non, ça, ce n’était tout simplement pas acceptable. Pas pour elle. Pas maintenant. Jamais. Elle ferma les yeux, profitant de l’air glacial qui soufflait à cette hauteur. Par où fuir lorsque toute la forêt était envahie de rôdeurs ? Chancelante destinée...

by hope.

Il faisait si sombre ce jour là, Castiel.
Tes pas étaient lourds, désintéressés, guidés par l'instinct animal et la survie. Mais tu n'avais plus du tout envie de vivre n'est-ce pas ? La lassitude avait gagné ton cœur et ton corps, qui ne s'articulait maintenant plus que par la passion que dégageait le sien. Cette haine refoulée qu'elle t'avait jeté à la figure. Oh Castiel Castiel tu la sens cette miséricorde qui ronge tes regrets enfouis, enfouis.
Mais tu la connais cette vérité qu'elle a osé t'avouer, tu la connais depuis longtemps mais tu n'as jamais voulu l'accepter. Eileen, eileen, son cœur est trop petit pour te contenir. Non, c'est l'inverse, il est trop grand. Il t'étouffe. Tu as envie d'être avec Eileen, qui dévore tes sens, tu la fixes courir dans la neige devant toi. Tu tombes, paralysé par la fragrance dévastatrice qu'elle sème le long de sa route.
Tu es étalé dans la neige Castiel, le froid te réveille. La douleur de la glace te sors de ton songe éphémère, tu lèves la tête vers Ace qui vole dans le ciel nébuleux. Il vous guide vers la fin, tu le sens dans son vol élancé, majestueux. Il cherche une proie à dévorer avant la fin de tout, il cherche à survivre alors fait en autant.
Tu te lèves doucement, reprenant la course. Oh Castiel tu brilles comme les feux de la ville nocturnes, tu brilles comme les étoiles dans les prunelles d'Eileen.
Enfin tu t'arrêtes quand Eileen s'arrête, c'est le bord de la falaise, c'est la fin de tout, c'est le moment d'arrêter de mentir mentir, dire la vérité écorchée au bout de tes lèvres Castiel. Ace se pose sur ton épaule, tu sens ses pattes douloureuses pincer ton épaule fatiguée. Ta belle tremble, son spiritem grogne, tu frissonnes Castiel oh Castiel voilà que tu as peur d'un animal que tu pourrais shooter d'un coup de pied hésitant. Elle s'excuse, tu deviens accroc, c'est ta nicotine, ton oxygène, tu veux la respirer, même avant de mourir. Tu joues avec la vie Castiel, tu aimes ça. Tu aimes ça ton cœur qui bat. Plus pour très longtemps. Tu entends encore ses mots dans sa tête. J'suis désolée. Ça pique ton palais Castiel de répondre, tu te mord la langue pour ne pas répondre, lui crier ton amour parasite Castiel tu souffres trop et elle aussi. Alors tu t'avances, silence. Crack ne lui ferait rien. Rien du tout.
Tu la prends dans tes bras, tu susurres. « Ne t'inquiète pas. » tu embrasses son front, tes lèvres glacées qui effleure sa peau, tu en veux plus. Mais tu as trop menti Castiel maintenant c'est fini. Tu lui prends la main, la serre dans la tienne, entremêle tes doigts avec les siens, sans lui demander son avis. Tu as menti. Tu continues de mentir. « On va s'en sortir. » affirmation incertaine, doutes relatifs. « On va s'en sortir, Eileen. Je te le jure. J'en ai pas fini avec toi tu sais. » Tu plonges tes yeux brillants dans les siens, ça y est, elle t'a contaminé avec ses petites étoiles. Oh la coquine, oh la coquine. Eileen, parasite de tes jours, virus incongru de tes nuits, eileen la rage au cœur déverrouille le tien à chaque parole. « Je suis faible tu sais. Si faible sans toi. » révélations d'un homme troublé, ta vue se brouille Castiel. Tu ne pleures pas, jamais, parce qu'un homme ne pleure pas.
Tu ne pleures pas. « Ils arrivent. »

   Comment deux êtres aussi différents pouvaient-ils se retrouver, à chaque fois, dans une danse toujours plus forte, plus poignante, et plus dangereuse ? Cela faisait déjà des années qu’elle avait cessé de se poser cette question. Quelle question ? Pourquoi eux. Le Destin n’était qu’un songe pourtant, Destin, Hasard, qu’importe, voilà qu’ils se retrouvaient à chaque fois. Elle aurait pu partir à l’autre bout de l’univers qu’elle aurait fini par se retrouver face à lui. Aucun doute là-dessus.

   Dans ses bras, elle redécouvrait la raison pour laquelle elle continuait de se battre, toujours un peu plus déterminée que la fois précédente. Mais cette fois-ci était différente. Son parfum délicieux qui habituellement endormait ses sens n’avait pas d’effet et, c’était ce qui la blessait le plus. Il n’avait plus d’emprise sur elle. Pas aujourd’hui. Et elle avait peur que toute leur histoire, ou non-histoire, qu’importe, n’eut été qu’un songe. Peut-être venait-elle de se réveiller. Ou justement, peut-être venait-elle de faire un pas de plus dans une manipulation dont lui n’était pas responsable…

   Mais de la façon dont il brisait sa défense, la grande Light se fissurait une fois de plus pour laisser place à Eïleen, toujours un peu plus déboussolée. Pourquoi n’avait-elle pas prit son arme ? Son arc lui manquait, elle avait été si inconsciente ces dernières heures. Dans cette incapacité d’agir, elle recula brusquement en l’entendant conclure, elle n’en voulait plus. Elle n’en pouvait plus. Son regard, un rien vide, se porta sur la forêt où, si on savait – comme elle – regarder les détails, on pouvait discerner des formes en mouvements. Les chasseurs n’étaient pas discrets car souvent ils n’en avaient pas besoin. Leurs cibles n’étaient qu’humaine, des enfants, des adultes, des gens de la ville, de la campagne et des survivants, comme eux deux. Bien sûr, Castiel et Eïleen étaient des cibles de choix. Ils étaient à eux deux le duo de hors-la-loi le plus recherché de Spectrae. Ça pouvait paraître romantique, beau, ce que vous voudrez, mais dans la réalité, ça ne l’était pas.

   Il y eut un courant d’air glacial et il se remit à neiger, de fin flocons puis une épaisse tempête qui les frappait et surtout, endormait leurs sens. Eïleen jeta un regard instinctif au « creux du ciel », mais l’eau coulait encore en grosse quantité. Ce n’était pas logique. Pourquoi faisait-il si froid ici ? A moins que l’un des chasseurs à leur poursuite fut un cryokinésiste… Vous savez, souvent, Eïleen rêvait d’aller demander de l’aide en ville, de frapper aux portes, de demander l’asile, de supplier pour la Rédemption de choses qu’elle n’avait pas faite. Mais à chaque fois la réalité la frappait plus douloureusement que la foudre : personne n’aurait ouvert. Les temps d’entraide dans l’En-Dessous, c’était fini. Est-ce que des gamins, comme elle l’avait été, crevaient dans la rue, parce qu’ils étaient seuls et différents ? Sans doute. Elle ne savait pas. Entre descentes et chasses à l’homme, c’était impossible de se retrouver au calme. Heureusement pour eux deux, ils connaissaient la région sur le bout des doigts.

      – Il faut qu’on fasse diversion.

   Elle n’aimait pas dire ça, mais c’était à celui qui se sacrifierait, peut-être que c’était le moment où jamais de jouer aux héros. Elle baissa les yeux et inspira profondément, elle était frigorifiée, forcément, avec la température qui venait de chuter d’au moins dix degrés et le vent de mort qui s’infiltrait à l’intérieur de ses vêtements… Elle le fixait, du coin des yeux, ne sachant que penser, de toutes façons, elle ne parvenait simplement pas à penser, alors au moins, ça simplifiait beaucoup de choses. Puis elle lâcha, de la voix froide qu’elle n’employait pourtant que sous l’apparence de Light, cette voix de chef d’armée sans pitié…

      – Longe la falaise par le Nord, puis retourne dans la forêt, je ferais diversion, un détour, et je te rejoindrai d’ici une demie heure.

   A nouveau elle fixait la forêt, il n’était pas question qu’ils tombent à deux. Elle ne savait pas ce qui les attendaient, après tout, ils ignoraient combien de chasseurs étaient là, dans les bois, sans doute plus qu’eux. Mais se séparer était sans nul doute leur chance. Autant qu’au moins l’un dans eux se retrouve, finalement. Enfin, elle eut un léger sourire, celui qu’elle arborait uniquement pour l’acheter et lorsqu’elle était véritablement heureuse, genre dans ses bras, chose qu’elle lui cachait avec application.

      – On se retrouvera sur l’autre côté du lac. J’suis pas inquiète tu sais, on en rigolera dans quelques jours…

   Ses mots sonnaient faux mais c’était un moyen comme un autre d’évacuer l’abominable pression qui s’infiltrait dans sa tête pour mentir à chacun de ses sens. Elle lui fit signe de partir, espérant qu’il ne jouerait pas au crétin, même si au fond d’elle, c’était sans doute tout ce qu’elle voulait. Capricieux paradoxe.

by hope.

Tous les humains ont besoin d'amour castiel oh castiel. Et toi aussi tu en as besoin. Dans le froid qui glace ton cœur tu en as besoin pour continuer de respirer. Tu ne veux pas la lâcher, tu veux briser cette porcelaine qui te détruit au fond de toi même. Castiel tu n'existes que pour briller dans le ciel comme une étoile dans la main d'eileen. Tu vies pour eileen, la protéger de la mort qui vous embrasse dans un baiser brûlant. Tu lèves tes yeux brillants, tes lèvres tremblent, elle a froid elle aussi. Tu la prends un peu dans tes bras pour la réchauffer même si l'heure n'est pas aux cajoleries. Mais tu vies castiel tu vies.
Qu'est-ce que
Qu'est-ce que.
Qu'est-ce que c'est que ce merdier qui se prépare ? Castiel tu n'as pas peur tu ne connais plus ce sentiment artificiel qui les ronge au fond de leurs carcasses. Tu as peur pour Eileen pas pour toi. Castiel tes jolies phrases tes jolies mots tout ça ne sert plus à rien, à rien. Laisse toi bercer par les ordres de la poupée que tu aimes. Tu ne fixes que ses lèvres indomptablement désirables. Pulpeuses et narquoises, tu veux qu'elle croque une framboise. Secoue ta tête, secoue ton âme, tu t'égares Castiel. Réveille toi de cette illusion interdite.
Tu entends ces instructions qui te donnent cette fâcheuse impression, qu'elle va faire une bêtise, faire une bêtise. Elle est droite et fière, comme un chef de guerre, ça te fait craquer petit menteur, ça te fait cracher le sang de tes poumons gelés. Cette saveur amer qui pique ton palais, serre ta gorge et torture ton estomac. « Tu es sûr que c'est prudent ? » tu ne te poses plus de question castiel castiel arrête de la contredire, elle n'aime pas ça mais toi ça t'amuse. Tu te met à courir à nouveau dans la neige, Ace s'envole vers les paradis oubliés des cieux artificiels. Tes muscles brûlent et c'est de l'acide sulfurique dans tes veines. Tu cours encore.
Ace sent le danger, il survole la zone ou est rester Eileen. C'est pas le moment de jouer aux héros gamine gamine gamine. Ton cœur bat fort tu restes pétrifié et tu serres tes poings jusqu'à enfoncer tes ongles sous ta peau. Le sourire aux lèvres figés dans l'obscurité, les inepties mangeant les mots, tu étais reparti d'ou tu venais castiel castiel aussi tu fais des bêtises. Vous êtes des enfants perdants, perdus dans l'innocence immaculée de vos désirs inavoués. Tu cours à nouveau ton cœur bat bat bat bat bat très fort mais dans la douleur tu surmontes ta peur.
Elle est là, ils sont là. C'est un rendez vous ou tu n'avais pas été invité. Alors que les chasseurs se rapprochent dangereusement inexorablement sournoisement de la belle princesse en danger tu es toujours derrière une bûche ramassée dans la neige entre tes mains. Diversion elle l'aura toujours été, un appât plus spécifié. Tu leur fracasses le crâne ils s'effondrent dans une siphonnée symphonie. Leur sang coule dans la neige c'est un beau tableau devant vous, tu es un artiste castiel tu t'en veux, tu t'en veux tellement d'avoir pêché ainsi. Sont-ils morts ? C'est une magnifique désharmonie. Tu les as sûrement juste amochés, atrophiés, et elle est en vie, t'en as envie. Encore plus qu'avant. Tu prends sa main et tu l’entraînes là ou elle voulait que vous vous retrouviez. Tu t'es laissé aller dans un total oubli de toi même. Tu as trouvé la liberté. Perdre tout espoir, c'était ça la liberté. « pardon. »

   Tout est sous contrôle. Entre colère, frayeur, soulagement et lassitude, le monde d’Eïleen ne tournait plus si rond. Quel choc à voir le sang s’écouler sur la neige, choc en écho à son passage de porteuse à Spiritem. Le meurtre d’une enfant innocente. L’inconnu. La descente. Puis plus rien. Elle suivait Castiel, elle se laissait guider, mais son cœur n’était pas lourd, au contraire, il était si vide, si creux, tout autant que son regard d’enfant perdu. Elle finit par le repousser, peut-être trop brusquement, mais qu’importe ? Est-ce qu’il avait tué ? Ou juste mutilé gravement ? Ça revenait au même pour elle. A ses yeux il n’était pas comme ça, il ne réglait pas les choses par la violence, à ses yeux il valait tellement plus. Elle le divinisait. Et venait soudainement de voir son image sans tache se briser comme le plus beau des miroirs. Elle en était blessée.

   Sur les bords de la rivière qui serpentait dans la forêt pour se jeter finalement dans le lac, elle observait la glace qui tentait de prendre possession de cette endroit, pourtant si faible face à la puissance de l’eau qui coulait, sans arrêt, sans barrière, libre. Castiel était-il sa liberté ou ses barrières ? Elle l’ignorait. Elle fixa le cours d’eux durant de longues minutes, silencieuse. Puis enfin, elle recouvrit l’usage de la parole, un rien hésitante, troublée.

      – Je refuse que tu blesses quelqu’un pour me protéger. Je me serais débrouillée toute seule. Je t’avais dit de partir.

   Le silence retomba. Lourd et amer.

      – Tu mérites mieux que de vivre avec le poids d’un meurtre sur la conscience, tu mérites tellement mieux…

   Il méritait mieux qu’elle. Il méritait de trouver quelqu’un, de fonder une famille, dans l’harmonie et l’amour et, d’enfin, mourir heureux. Elle, elle était double mais si seule à l’intérieur. Son cœur n’était qu’un mécanisme incomplet. Elle était la machine qu’on avait dotée de sentiments mais pas des moyens pour les exprimer. Elle était condamnée, c’était évident. Princesse de la forêt, indomptable et solitaire, voilà ce qu’elle était. Mais avec lui dans les parages, elle était faible et beaucoup moins attentive. Le panda roux passait contre ses jambes en ne fixant qu’elle, puis il sauta sur son épaule, lui arrachant une grimace de douleur en sentant les griffes un rien maladroite s’enfoncer dans sa chair.

      – Chaque fois que je me réveille et que tu dors encore, je songe à prendre mes affaires et partir. Ailleurs, quelque part où je ne mettrais personne en danger, t’es assez futé pour t’en sortir tout seul, c’est évident…

   Elle fronça légèrement les sourcils avant de tourner la tête pour lui jeter un regard un rien gêné, étrange dans ce genre de situation où elle était capable d’énoncer froidement ce qu’elle ressentait sans y mettre les formes.

      – Mais… Je ne l’ai toujours pas fait. J’y arrive pas. J’ai besoin de toi.  

   Un léger tremblement dans la voix, elle détourna le regard vers le lac en se raclant la gorge, éclaircissant sa voix qui hélas montrait quelques signes de faiblesse.

      – Alors, reste en vie. S’il te plait.

   Fausse raison pour une énième discussion qui ne mènerait de toute façon à rien. Dix-neuf ans qu’ils tournaient en rond sans définir ce qui n’était même plus définissable. Castiel était tout ce qu’elle avait, sa famille, son meilleur ami, son étoile en qui garder espoir, la personne en qui elle croyait, la seule personne qui avait sa confiance aveugle. La seule personne capable de la blesser, des blessures qui ne cicatrisent pas. Agonie secrète.

by hope.